Le caracal, un félin à protéger en Afrique du Sud

Le caracal, un félin à protéger en Afrique du SuD

Petite excursion vers la faune lointaine. Nous avons demandé à Marine Drouilly, qui prépare une thèse sur le caracal en Afrique du Sud, de nous faire découvrir ce magnifique prédateur.                 

 

Chez nous, on ne connait pas vraiment cet animal, et pourtant, il est présent sur deux continents, en Afrique et en Asie. Alors, c’est quoi, le caracal ?

M. D. : Le caracal (Caracal caracal) est le plus grand des petits félins africains. Il est souvent appelé « lynx du désert » de part ses oreilles pointues prolongées par une touffe de longs poils noirs pouvant atteindre 8 cm de long. Son nom vient d’ailleurs du Turc Karakulak signifiant « oreilles noires ». Cependant, le caracal n’est pas un lynx et il est davantage apparenté au chat doré africain (Caracal aurata) et au serval (Leptailurus serval) qu’au lynx eurasien. Le caracal vit dans les milieux arides et semi-désertiques d’Afrique, d’Asie centrale et d’Asie du sud-ouest jusqu’en Inde.

C’est un magnifique animal reconnaissable à son pelage variant du marron clair au roux (son nom Afrikaans est rooikat « chat rouge ») et dont les pattes postérieures sont plus longues que les antérieures. Cette caractéristique lui sert à bondir sur des oiseaux en vol, jusqu’à 2 mètres de hauteur. Les micromammifères et lézards font aussi partie de son régime alimentaire. Pesant entre 10 et 20 kg, les caracals s’attaquent également à de grandes antilopes de 40 kg comme les springboks. Pour mieux connaître leur mode de vie, nous les équipons de collier GPS pour chat afin de suivre leur déplacement.


Pourquoi cet animal pose-t-il des problèmes en Afrique du Sud, tandis que d’autres pays ont interdit sa chasse ?

M. D. : Le caracal est très répandu en Afrique (hors sud du Sahara et forêts équatoriales) et est donc classé par l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) comme « préoccupation mineure ». En Asie, en revanche, il est considéré comme rare du fait de ses populations plus clairsemées.

En Afrique du Sud et en Namibie, le caracal est plus commun qu’ailleurs et aucune protection locale n’existe. Il est même considéré comme « nuisible » car il arrive qu’il s’attaque au petit bétail non protégé, notamment aux moutons. Les fermiers peuvent l’abattre sans restriction et le font par piégeage, chasse nocturne et empoisonnement. Une étude menée par Stuart en 1982 s’est intéressée au nombre de caracals tué annuellement entre 1931 et 1952. Rien que pour la région semi-désertique du Karoo, en Afrique du Sud, 2 219 caracals ont été tués en moyenne chaque année sur cette période. La situation est similaire en Namibie où les fermiers ont rapporté – par le biais d’un questionnaire – avoir tué 2 800 individus en 1981.

La plupart des fermes sud-africaines et namibiennes ont perdu leurs grands prédateurs comme les hyènes et les lions, amenant le caracal et souvent aussi le chacal à chabraque à prendre leur place. N’ayant plus de prédateurs naturels, dans des milieux où ils trouvent de l’eau toute l’année et des proies faciles (agneaux, moutons), il se pourrait que les populations de ces prédateurs explosent. Des études sont en cours pour le démontrer.


Quelles mesures est-il possible de mettre en place pour le protéger ?

M. D. : On ne protège que ce que l’on connaît bien. Plus de recherche est donc essentiel pour mieux comprendre l’écologie spatiale et comportementale de l’espèce, et notamment dans les fermes et en Asie. Très peu d’études scientifiques ont été menées sur cet animal et celles existantes datent des années 80, ont employé des technologies aujourd’hui dépassées et sur très peu d’individus. Par ailleurs, il serait particulièrement important de connaître la tendance des différentes populations de caracals et de revoir son statut dans certaines régions (dernière évaluation en 2008). Certaines populations sont peut-être en expansion mais d’autres se réduisent comme peau de chagrin.

Une étude à paraître par Stuart & Stuart montre que la prédation sur les troupeaux dépend de la disponibilité en proies sauvages. Il est donc important de conserver ces mêmes proies au sein des fermes et dans tous les milieux où le caracal est présent. Un autre point important est de préserver ses prédateurs naturels comme le léopard.

Enfin et surtout, des techniques de protection des troupeaux doivent impérativement être mises en place dans les fermes en Afrique australe. Les chiens de protection (type berger d’Anatolie) associés à un berger, ou encore le rassemblement des brebis dans des structures protégées proches du corps de ferme lors de l’agnelage sont le minimum qui devrait être fait. Des caméras de surveillance pour animaux sont placées près des troupeaux afin de vérifier si la prédation provient d'un carical ou d'un autre animal. 

En cas de réel conflit avec un individu – et ce malgré les moyens de protection mis en place – l’emploi de méthodes de contrôle d’un autre âge comme le poison ou les pièges à mâchoire non sélectifs doit être supprimé au profit de méthodes plus humaines et sélectives ne visant que l’animal concerné. Cela permettra d’abord d’éviter de tuer des espèces non ciblées comme les petites antilopes, les genettes ou encore les protèles, mais aussi les caracals se nourrissant uniquement de proies sauvages. Par ailleurs, cela permettra d’améliorer l’image des éleveurs de petit bétail qui sont parfois vus comme des exterminateurs de vie sauvage, ici en Afrique du Sud.

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