La dernière des Bazougers

La dernière des Bazougers

La race bovine de Bazougers est la prochaine vache à d’éteindre en France… Dans l’indifférence générale, cette excellente race tire sa révérence. Histoire d’une disparition.

La race de Bazougers, appelée aussi Bleue de Bazougers, est originaire du département de la Mayenne. Bazougers est une bourgade située à une vingtaine de kilomètres au sud-est de Laval. Même si on rencontrait cette vache un peu au-delà, dans le sud du département et dans la Maine-et-Loire voisin, son aire de répartition n’a jamais été bien large.

Du sang suisse

Cette race est proche de la Rouge des Prés (ex-Maine-Anjou, ex-Durham-Mancelle) et de la Saosnoise dont elle partage en effet quelques ancêtres. Dont la fameuse Durham, qui fit les beaux jours de l’agriculture françaises dans le seconde moitié du XIXe siècle et qui a contribué à l’émergence de ces trois races.

La Bazougers est issue d’un croisement entre l’ancienne Mancelle (aujourd’hui disparue) et la race Fribourgeoise (également disparue…), de couleur pie-noir, qui fut importée vers la fin du XVIIIe siècle par Monsieur de la Lorie et quelques autres propriétaires. Des croisements ponctuels sont effectués avec d’autres races (Brune, peut-être Normande), mais sans conséquence. C’est avec la Durham, donc, que les animaux sont croisés au cours du XIXe siècle. Ce qui explique, comme le souligne Laurent Avon (2008), que la Bazougers est issue, des mêmes « composantes » que la Maine-Anjou, la Mancelle et la Saosnoise, mais en proportions différentes.

Un bel animal… mais rare 

La Bazougers est une vache de bonne taille, bien conformée, rappelant ses deux cousines. Elle est longiligne et basse sur pattes, avec un profil dorsal rectiligne. C’est avant tout une race mixte, à la fois laitière, mais aussi à vocation bouchère, plutôt précoce. Elle possède des muqueuses noires, et des cornes courtes, dirigées vers l’avant et légèrement remontées vers le haut à leur extrémité.

La robe est de couleur variable. On peut même dire qu’elle n’est pas fixée jusque vers le milieu du XIXe siècle. C’est au cours du siècle suivant que se met en place plusieurs types de robe : noire, pie-noir, blanche ou encore « bleue » qui lui vaut dont son nom de « Bleue de Bazougers ». Cette dernière robe est sans doute le fruit du croisement avec la Durham. Les animaux ont parfois des « lunettes » claires autour des yeux comme en avait la race Mancelle.

Une disparition inéxorable

Non reconnue, mais survivant sur ses terres d’origine, la Bazougers va être victime, dans les années 1950 – et alors même qu’elle connait là probablement son apogée - de la politique « Quittet » du nom d’un ingénieur général de l’agriculture qui a décidé de faire la guerre à toutes ces petites races locales et rustiques, au prétexte qu’il ne doit plus y avoir que quelques races laitières et allaitantes sur les terres de France. Elle est alors interdite de monte publique et, par là même d’insémination artificielle. De plus, elle est concurrencée par la Maine-Anjou (future Rouge des Prés) qui lui est préférée. Dès les années 1960, elle décline rapidement et il est rare d'observer un troupeau de Bleue de Bazougers derrière une clôture électrique... même en Mayenne. 

C’est en 1976 que Laurent Avon est alerté de la présence d’un troupeau de vaches Bazougers dans la commune du même nom. Cependant, on est alors dans cette période cruciale où l’on doit être sur tous les fronts, tant le nombre de races rustiques sont menacées. Et comme la Bazougers n’est pas reconnue en tant que race, elle ne figure peut-être pas non plus dans les urgences. Ce n’est qu’en 1999 que l’ingénieur de l’Institut de l’élevage peut de nouveau se consacrer à cette population bovine. Un taureau – Melchior – est retrouvé et sa semence collectée. Une vache « bleue »– Aurore - est également repérée pour ses qualités, mais on ne peut la faire reproduire. La veille de sa mort, en décembre 2000 alors qu’elle a 17 ans, des scientifiques de l’INRA lui prélèvent des cellules de l’oreille et procèdent ensuite, en 2001, à des essais de clonage. Un des embryons clonés et transplantés donne naissance à une génisse en janvier 2002. C’est Aurore B.

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